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L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR
Chez Claude Barras, l’animation n’est pas lisse, la vie laisse des traces sur les visages et les marionnettes en stop motion – mises en mouvement manuellement, geste après geste – respirent l’artisanat. Après le succès de Ma vie de courgette (2016), sur les aventures d’un garçon placé en orphelinat, Sauvages suit l’éveil d’une adolescente sur l’île de Bornéo, malmenée par la déforestation : la fonceuse Keria, confrontée aux activités d’une multinationale coupant méthodiquement les arbres, va lutter et renouer avec ses origines.
Keria vit en ville avec son père, employé dans une plantation de palmiers à huile. Sa mère est morte il y a longtemps et le reste de la famille vit en autonomie dans la forêt (le peuple autochtone des Penan). L’île de Bornéo est aussi connue pour ses orangs-outans menacés de disparition. Le film s’ouvre sur une séquence inspirée du réel, qui voit une femelle orang-outan tenter de faire barrage à un bulldozer. Keria et son père sont témoins de la scène, l’animal se fait abattre et la jeune fille a juste le temps de récupérer le bébé singe. Le réalisateur ne cherche pas à édulcorer la réalité, tout en introduisant beaucoup de drôlerie et de tendresse dans le récit – ajoutons quelques apparitions magnétiques d’animaux sauvages.
C’est l’arrivée d’un petit-cousin dans la maison de Keria et de son père qui déclenche les aventures. Selaï vit habituellement dans la forêt avec ses parents. Keria n’est pas ravie de partager sa chambre avec ce garçon qu’elle regarde de haut et qui lui semble bien éloigné de son mode de vie. Mal accueilli, Selaï ne tarde pas s’enfuir et à retourner chez les siens, en emportant le bébé orang-outan. Keria se lance à ses trousses, et c’est parti ! En chemin, ils croisent une scientifique engagée, à la langue bien pendue (avec la voix de Laetitia Dosch).
La rencontre de Keria avec ses grands-parents déclenche une prise de conscience qui n’est jamais grandiloquente. Sauvages est un film d’aventures porté par l’humour des situations et l’agilité des dialogues. Une foule de détails, dans la confection des marionnettes, témoigne du travail de terrain et d’écoute mené par l’équipe du film, notamment auprès de primatologues. Le scénario devait être aussi crédible que respectueux.
Né en 1973, fils et petit-fils de paysans, Claude Barras se souvient de ses grands-parents qui vivaient dans la nature et menaient une vie nomade, dans la région des Alpes, passant de la plaine à la montagne au fil des saisons. Plus tard, la « modernité » a apporté son lot d’outils et de produits chimiques dans l’exploitation de ses parents. En filigrane, le film interroge le rapport à la terre et aux pratiques agroalimentaires. Qui est le sauvage, celui qui vit en pagne ou celui qui arrive avec son engin pour couper les arbres et déloger les habitants ? On devine la réponse, mais le suspense est bien entretenu.
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